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30 mars 2006

Face à Face Arnaud Montebourg - Valérie Pécresse, France Inter, 13/14, Jeudi 23 mars 2006,

"CPE : Vit-on une crise de la représentation politique en France ?" Face à Face Arnaud Montebourg - Valérie Pécresse, France Inter, 13/14, Jeudi 23 mars 2006,

Yves Descamps : 400.000 selon la police, 1.500.000 selon les manifestants. Peu importe les chiffres, au-delà d’un certain seuil, quand les cortèges atteignent cette importance, qu’ils grossissent de semaine en semaine, quand les syndicats de salariés rejoignent les syndicats étudiants dans l’appel à la grève, c’est toute la classe politique qui s’interroge, et le gouvernement en priorité. Faut-il revenir sur une réforme qu’on croit utile au pays et dont le pays ne veut pas ? Autrement dit, la majorité sortie des urnes doit-elle s’incliner devant les manifestants comme le lui demandent aussi les sondages ? La rue peut-elle avoir raison contre la représentation nationale ? En démocratie, la logique répond « non ». Mais de quelle représentation nationale parle-t-on aujourd’hui ? Que penser d’une Assemblée où ne siège aujourd’hui ni le Front National, ni l’extrême gauche, où les écologistes sont à peine représentés, où les femmes et les minorités ethniques sont en portion congrue, où les jeunes et les couches populaires n’ont pas vraiment droit de cité. Faut-il s’étonner dans ces conditions que les taux d’abstention augmentent à chaque élection ou presque, que les partis traditionnels regroupent de moins en moins d’électeurs, que les élus soient si souvent dénigrés et que les mouvements protestataires se développent ? Vit-on une crise de la représentation politique en France ? En tout cas, un dernier sondage TNS-Sofrès pour la journée du livre politique qui se tiendra samedi prochain à l’Assemblée nationale, est éloquent : pour 53 % des personnes interrogées, la démocratie ne fonctionne pas bien en France. 70 % d’entre elles ne se retrouvent dans aucun parti et 79 % dans aucun syndicat. Voilà. Ce n’est pas nouveau, comme le soulignent les politologues, mais l’ampleur de la durée de cette crise du politique qui dure maintenant depuis 15 ans, a de quoi inquiéter. Alors, comment en sortir ? Pour en débattre, Arnaud Montebourg, député PS de Saône et Loire et Valérie Pécresse, députée des Yvelines, porte parole de l’UMP. Bonjour à tous les deux.


Yves Descamps : D’abord une réaction, peut-être, à cette main tendue par Dominique de Villepin, ce matin, aux organisations syndicales, Valérie Pécresse ?

Valérie Pécresse : D’abord, je me félicite que les conditions du dialogue soient maintenant vraiment réunies. Il y a une porte ouverte de Matignon. J’ai confiance dans le sens de la responsabilité des organisations syndicales pour qu’elles saisissent cette main tendue, parce qu’il s’agit de l’emploi des jeunes et qu’il n’y a pas de temps à perdre.

Yves Descamps : C’est la pression de Jacques Chirac et des Sarkozystes, peut-être aussi ?

Valérie Pécresse : Non, j’ai trouvé Dominique de Villepin toujours ouvert pendant tout le processus. Il a pu donner l’impression à certains moments de fermer la porte, en tout cas à la dénaturation du CPE, mais il a toujours dit que le contrat pouvait être amélioré en tous points par le dialogue.

Yves Descamps : Arnaud Montebourg ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire ?

Arnaud Montebourg : C’est surtout que si Dominique de Villepin est en train de reculer, c’est parce qu’il a compris qu’il a gouverné contre tout le monde. Il a imposé sa volonté contre les siens, contre les autres, contre la société. Il n’est même pas soutenu par son Conseil des ministres, il ne l’est plus dans sa majorité, donc il y a un moment où...

Valérie Pécresse : Il ne faut peut-être pas exagérer...

Arnaud Montebourg : ...le pont d’Arcole, c’est un peu large pour un homme seul. Il faut avoir quelques troupes pour arriver à imposer sa volonté. Même le patronat déplore la situation car ce CPE donne l’image d’un patronat qui voudrait traiter les gens comme des emplois jetables. En vérité, si cette main tendue n’est pas perverse, c’est-à-dire qu’elle est bien faite pour qu’en effet ceux qui par millions s’expriment, et de façon massive et sincère dans ce pays, obtiennent enfin satisfaction, c’est-à-dire qu’on revient en l’état antérieur et on se met à discuter, non pas après des décisions qui violent tout le monde, mais plutôt avant et on discute en effet dans le cadre des règles du dialogue social, Monsieur de Villepin aura pris une bonne leçon de ce qu’est la France qu’il ne connaît pas car, lui-même, n’est jamais sorti des palais ministériels.

Valérie Pécresse : C’est un peu caricatural comme vision...

Arnaud Montebourg : Malheureusement, la réalité ressemble à la caricature... Malheureusement, malheureusement pour elle...

Yves Descamps : Pour en revenir au débat qui nous occupe, on ne va pas parler en détail du CPE, il a pris une leçon de la rue, autrement dit. Alors, est-ce que c’est la rue finalement qui doit dicter sa loi ?

Valérie Pécresse : D’abord, je ne vous laisserai pas dire que Dominique de Villepin a pris une leçon de la rue...

Yves Descamps : Je rebondissais sur ce que disait Arnaud Montebourg...

Valérie Pécresse : Je ne laisserai pas dire non plus qu’il y a des millions de personnes qui ont manifesté contre le CPE parce que ça n’est pas vrai. Il y a une vraie mobilisation, il y a des inquiétudes qui s’expriment dans la rue, qui ne s’expriment pas seulement dans la rue, d’ailleurs, parce qu’en réalité, tous les députés qui soutiennent et qui sont solidaires du gouvernement depuis le début, font du travail d’explication sur le terrain et on est évidemment assaillis de questions. Ce que je retiens de tout ce débat autour du CPE, c’est que finalement, ce qui est en cause, c’est la précarité de la jeunesse française et que le CPE a été, en réalité, un élément qui a permis de porter un diagnostic beaucoup plus vaste, non seulement sur le problème des jeunes qui ne sont pas du tout qualifiés, qu’on avait vu aussi dans les banlieues, c’est-à-dire des jeunes qui sont à 40 % de taux de chômage et qui n’ont aucune chance de s’en sortir, mais aussi, et c’est un autre malaise et cela nécessité aussi des solutions peut-être un peu différentes, le malaise des jeunes diplômés, des jeunes qui ont joué le jeu du système et qui ne trouvent pas eux aussi de débouché.

Yves Descamps : Mais quand la majorité de la nation propose un projet et qu’elle n’arrive pas à se faire entendre, comme la majorité de la classe politique prônait d’ailleurs le « oui » au référendum et qu’elle n’a pas été suivie, est-ce qu’on peut parler vraiment de crise de la représentation ?

Arnaud Montebourg : C’est une très grave crise de confiance dans le système politique qui, aujourd’hui, s’isole par rapport à la société. Nous le constatons rien que dans cette affaire du CPE. Je vais vous donner un exemple. Je suis venu ici avec le texte de loi, voté par la majorité UMP parmi laquelle Madame Pécresse, que je salue ici, « Formation professionnelle tout au long de la vie et dialogue social ». C’était le titre de ce texte. C’était en 2004. Je lis : « Le gouvernement prend l’engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail ». Et paf ! Quelques mois plus tard, c’est le CNE, contrat nouvelle embauche, par ordonnances ! Mais c’est Charles X qui gouvernait par ordonnances ! Cela s’est terminé avec le beau monument qui se trouve à la Bastille.

Valérie Pécresse : Il ne faut pas exagérer, Arnaud Montebourg. C’est dans la Constitution de 1958. Ce n’est pas Charles X, les ordonnances !

Arnaud Montebourg : Oui, mais c’est la première violation de cette loi. La deuxième, c’est l’amendement de deux pages du CPE qui est arrivé de façon nocturne en Commission des affaires sociales, qui ruinait 50 ans de discussions...

Yves Descamps : Non, mais...

Arnaud Montebourg : Vous permettez, Monsieur Descamps, vous me posez la question. Voilà comment cela fonctionne dans ce pays. Et vous avez, en plus, le 49-3, qui arrive par derrière. Donc, on gouverne à coups de massue sur la tête du Parlement. Parlement, cela veut dire, parlementer, se parler. Où est-ce qu’on se parle dans ce pays ? Nulle part. Le Parlement, vous savez, c’est : vous êtes pour, vous votez pour, vous êtes contre, vous votez contre....

Yves Descamps : C’est une appréciation générale, là, quelle que soit le gouvernement...

Arnaud Montebourg : Je fais une analyse systémique, et avec les pratiques encore plus autoritaires de la droite, nous arrivons à la mort de ce système.

Valérie Pécresse : Sans avoir la virulence d’Arnaud Montebourg, je dirai que la Constitution de 58 a organisé un équilibre des pouvoirs qui est au profit de l’exécutif et on le sait depuis le début. C’est d’ailleurs l’acte de naissance de la Constitution de 1958. C’est vrai que la Constitution de 1958 prévoit les ordonnances, c’est-à-dire la possibilité pour l’exécutif, habilité par le Parlement, et on n’en a discuté, je suis désolée, sur le contrat nouvelle embauche, je me suis largement exprimée et j’ai dit à la fois la satisfaction d’un certain nombre de choses que j’y trouvais et mon désaccord sur un certain nombre de choses que j’y trouvais. Donc, on en a parlé. On a fait une loi d’habilitation pour permettre au gouvernement de prendre des ordonnances. Donc, il y a quand même à un moment donné un débat au Parlement même pour les ordonnances, ce qu’Arnaud Montebourg ne dit pas. Quant au 49-3, il est aussi prévu justement pour faire face à la situation que nous avons vécue sur le CPE qui est une situation d’absolue obstruction. Alors, je suis une victime collatérale du 49-3, parce que j’avais proposé des amendements au CPE et j’avais proposé notamment des amendements pour éviter les abus de stages non rémunérés pour les diplômés. On oblige les jeunes diplômés à prendre des inscriptions fictives dans les universités pour pouvoir avoir une première expérience professionnelle, ce qui est vraiment un détournement de la loi...

Arnaud Montebourg : On peut aller plus loin....

Valérie Pécresse : Attendez, Arnaud, je vous ai laissé parler, laissez-moi aussi m’exprimer. Ce 49-3 est arrivé à un moment où depuis 8 heures, on n’avait pas avancé d’un amendement. On allait de suspension de séance en suspension de séance. Ce n’était pas du tout l’idée...

Yves Descamps : On ne va pas s’étendre sur le 49-3...

Valérie Pécresse : Mais si, parce que l’obstruction n’est pas...

Yves Descamps : Globalement, Valérie Pécresse, quand on observe un tel décalage entre les parlementaires et le corps social, est-ce qu’il n’y a pas quand même un problème ? Est-ce que c’est constitutionnel ou est-ce que c’est un problème de personnel politique ?

Arnaud Montebourg : Ce n’est pas un problème d’homme, ou de femme d’ailleurs...

Valérie Pécresse : Je ne suis pas sûre qu’il y ait un tel décalage.

Arnaud Montebourg : ...c’est un problème d’organisation des pouvoirs...

Valérie Pécresse : Oui.

Arnaud Montebourg : ...qui fait que la société n’est pas dans le système politique. Elle n’y est pas. Elle n’est pas prête de s’y trouver. Donc, depuis le 21 avril 2002, le 29 mai 2005, date du référendum, nous allons de mal en pis parce que nous sommes dans un système qui organise l’irresponsabilité du pouvoir, la concentration des pouvoirs. Voulez-vous que je vous sorte la circulaire que le Garde des Sceaux vient d’envoyer aux Procureurs pour mettre la justice prud’homale sous contrôle et lui permettre de juger « correctement » toutes les affaires de contrat nouvelle embauche ? C’est une nouvelle atteinte à la séparation des pouvoirs que d’ailleurs....

Valérie Pécresse : Mais ça c’est complètement hors sujet...

Arnaud Montebourg : Non. Nous voyons bien comment tous les contre pouvoirs à l’intérieur du système politique disparaissent les uns après les autres. Le Conseil Constitutionnel, contre pouvoir, vous savez qui est le rapporteur qui va s’occuper du CPE ? Un ancien collaborateur de Monsieur Chirac, Monsieur Dutheillet de Lamothe. C’est la colonisation des contre pouvoirs. Le CSA, vous savez comment ça fonctionne, il n’y a plus de CSA, donc finalement, un seul homme gouverne sans aucune responsabilité, et c’est comme ça que l’on fabrique des tyrans. Monsieur de Villepin, c’est le tyran poétique, c’est le tyran selon Chateaubriand, mais c’est le tyran qui est en train de chuter de sa propre fatuité, de son enfermement. Monsieur Sarkozy, qui théorise la concentration des pouvoirs dans son futur projet quand il aura pris le pouvoir, ce sera encore pire.

Yves Descamps : Problèmes institutionnels, Valérie Pécresse ?

Valérie Pécresse : Le problème d’Arnaud Montebourg c’est qu’on ne peut pas l’interrompre. Heureusement qu’on n’est pas dans un débat de campagne électorale parce qu’il y aurait un problème de décalage entre les temps de parole.

Arnaud Montebourg : Je vous écoute.

Valérie Pécresse : Je crois qu’effectivement il faut qu’on réfléchisse à la façon dont on va médiatiser la parole politique. Il le faut absolument, et on y va, on avance, il y a une évolution de la société forte vers une logique de dialogue avec un certain nombre de partenaires. Là, Dominique de Villepin a commis une erreur. Il l’a reconnue dans Paris-Match, la semaine dernière. Il a dit « Je suis allé trop vite, je n’ai pas pris le temps du dialogue ». Maintenant il est obligé de prendre ce temps aujourd’hui. Il faut que l’on médiatise la parole, il faut aussi qu’on la médiatise avec les partenaires sociaux, avec des relais. Il faut aussi que les parlementaires jouent pleinement leur rôle. Parce qu’on nous dit « les parlementaires n’ont pas de pouvoir ». Ils en ont beaucoup plus qu’ils ne l’utilisent. Je pense notamment aux commissions d’enquête, je pense aux missions parlementaires. La Commission sur Outreau, par exemple, permet aux parlementaires d’aller au fond des choses et de proposer des réformes extrêmement audacieuses. Sur le CPE, nous avons un pouvoir d’amendement qui peut être utile, nous avons un pouvoir de proposition aussi qui peut être utile. Alors, il faudrait rééquilibrer, sans doute les pouvoirs pour que le Parlement ait d’avantage de...

Yves Descamps : Je cite juste quelques propositions par rapport au sondage que je citais tout à l’heure, le sondage de la Sofrès qui sera présenté ce samedi. Propositions des français pour justement remédier à ce fonctionnement de la démocratie. Pour 39 % des Français, d’abord limiter le cumul de différents mandats. Pour 38 % des Français, améliorer l’accès des femmes aux responsabilités. Pour 36 %, recourir plus souvent au référendum. La proportionnelle, par exemple n’arrive que très très loin avec 13 % simplement. Un commentaire ?

Valérie Pécresse : Je crois que ce n’est pas les solutions auxquelles moi je penserai nécessairement. Je pense que l’important c’est que vraiment les parlementaires soient en mesure d’exercer leur mission et d’exercer des vrais pouvoirs dans la société. Je pense aux commissions d’enquête, je pense aux missions parlementaires, je pense au pouvoir d’amendement qui est inutilement restrictif mais cela suppose aussi que le domaine de la loi soit réexaminé. On ne peut pas faire des lois...

Yves Descamps : Un renforcement du législatif...

Valérie Pécresse : Un renforcement du législatif et en même temps des garde-fous vis-à-vis de l’empiètement du pouvoir exécutif sur le législatif.

Yves Descamps : Rapidement, Arnaud Montebourg, en conclusion.

Arnaud Montebourg : La démocratie, c’est aussi important que l’air qu’on respire. Nous sommes dans un système qui n’est pas démocratique. Je l’ai dit il y a plusieurs années, je l’ai dit contre mon propre parti...

Valérie Pécresse : Mais, si, il est démocratique. Il est complètement fondé sur l’élection.

Arnaud Montebourg : ...je l’ai dit et j’ai même trouvé des appuis dans votre parti, Madame Pécresse, et à l’UDF, dans tous les partis politiques parce que, et c’est le travail de notre génération, Madame Pécresse, nous avons à peu près le même âge, c’est à nous de reconstruire un système politique d’une autre facture. Nous n’avons plus besoin de la dictature du Général et de ses suiveurs. Nous avons maintenant besoin d’un système moderne, européen d’ailleurs...

Valérie Pécresse : Vous pensez à Mitterrand quand vous dites ça.

Arnaud Montebourg : ... mais je mets tout le monde dans le même sac. Voilà. Donc je ne dirai qu’une chose : Vive la 6e République.

Yves Descamps : Je ne dirai qu’une chose, merci à tous les deux d’être venus. Au revoir.

Valérie Pécresse : Mais on peut très bien aménager la Ve.

Yves Descamps : Bien sûr.

Arnaud Montebourg : Ca tarde...

Yves Descamps : On aura d’autres occasions d’en débattre. Arnaud Montebourg, député PS de Saône et Loire...

Valérie Pécresse : C’est dans le projet de l’UMP.

Yves Descamps : ...Valérie Pécresse, députée des Yvelines et porte parole de l’UMP. Merci beaucoup.

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